Le Priorat
Après quelques jours à Barcelone, nous avons quitté pour le Priorat, une région au sud-ouest de Barcelone. Nous nous sommes arrêtés pour coucher 2 à 3 nuits au Mas de Figueres (http://www.masfigueres.com/), mais nous y sommes plutôt restés 7 nuits! Cette charmante auberge de 6 chambres est tenue par un couple très sympathique, et est située à Marçat, près de Falset., le village- capitale de la région. La présence de quelques félins sur place a aussi été tenue en compte dans la décision de Caro de rester dans le coin….
La région, toute en coteaux et en terrasses, compte deux appellations : la DO Montsant, et, au centre de cette région, la DOQ Priorat. Cette région économiquement et touristiquement peu développée est surplombée d’une chaine montagneuse de 20km, la Serra de Montsant, faite de roc pâle – ce qui lui donne quelquefois l’allure de la montagne Sainte-Victoire en Provence.
Ce qui distingue l’aire d’appellation de la DOQ Priorat de celle de la DO Montsant est principalement son sol. Dans le Priorat, le sol, appelé « Llicorella », est un type de schiste d’ardoise entremêlé à de petites bandes de sol brun-rouge. Ce sol s’effrite excessivement facilement, ce qui permet aux racines de la vigne de creuser le sol à plusieurs mètres à la recherche de son eau et d’y puiser une abondance de minéraux.
Producteurs phares
La région, vinicolement « morte » depuis le phylloxéra, est revenue à la vie à la fin des années 1980 alors que quelques producteurs provenant d’autres régions comprirent qu’il s’agissait d’un terroir exceptionnel. Ces vignerons, regroupés dans le « Projet Gratallops », comprenaient entre autres René Barbier (Clos Mogador) et Alvaro Palascio (L’Ermità, Les Terrasses). Aujourd’hui, ces producteurs, de même que Mas Doix, Mas Martinet etc. constituent les producteurs phares de la région.
Visites et dégustations
J’ai volontairement évité les « gros noms » de la région pour me consacrer à de petits producteurs à découvrir, ou à des étoiles montantes. J’ai donc rencontré plusieurs vignerons lors de cette semaine au Priorat, quelquefois avec Caro (sa connaissance de l’Espagnol a été inestimable) et d’autres fois seul. Certaines de ces rencontres ont eu lieu au vignoble, d’autres dans des fêtes auxquelles nous avons eu la chance d’être invités par les propriétaires du Mas de Figueres.
Lorsque je rencontre des producteurs, j’en fait des rencontres humaines plutôt que de véritables activités de dégustation. Alors je ne prends pas de notes, et je n’enregistre quelques notes vocales lorsque je quitte. Comme je rapporte des vins, et il m’est possible de les déguster à tête reposée et de les juger adéquatement à ce moment. De toutes façons, un vin dégusté au vignoble en présence du producteur nous semble toujours excellent …
Vignobles visités
CELLER DOSTERRAS (http://www.dosterras.com/) – Marça (DO Montsant)
Le Mas Figueres, où nous habitions, est situé dans le vignoble de CELLER DOSTERRAS, un producteur qui produit deux vins rouges d’appellation Montsant forts agréables, en plus d’un blanc. J’en ai donc profité pour faire une petite visite de l’exploitation avec le propriétaire de l’auberge, mais malheureusement sans le producteur qui n’était pas sur place cette semaine-là. La rencontre s’est effectuée dans un mélange d’espagnol et de catalan, avec Caro comme traductrice – mais comme le propriétaire n’était pas spécialiste du vin, l’information transmise a été limitée.
Le Dosterras, leur vin haut de gamme, est fait de grenache à 100%, alors qu’on ajoute un peu de merlot au Vespres. L’élevage est fait en fûts neufs et de quelques années. De très bons vins, un peu modernes à mon goût, mais sans cependant tomber dans la caricature. (Pour vous donner une idée du style de vin, Wine Advocate a attribué 92 points au Vespres 2009 et 91 au Dosterras 2008)
CLOS DOMINIC (http://debrujasyvino.blogspot.com/) – Porrera (DOQ Priorat)
Ici aussi, la rencontre s’est faite en espagnol et catalan, mais comme elle a eu lieu avec le producteur lui-même, Caro a pu plus facilement traduire les discussions. Une superbe rencontre de plus de 3 heures avec un passionné qui travaille en bio d’un bout à l’autre de sa production.
Nous avons donc rencontré Paco Castillo, qui a créé le domaine en 1998, au centre du village de Porrera et sommes partis en camionnette visiter ses vignes, à 10 minutes de là. Ce n’est pas un vignoble : c’est une pente de ski sans neige! Il n’y a là aucune terrasse : tout est planté directement à flanc de coteau, à très faible densité. Le travail est fait manuellement avec des outils d’un autre siècle et on utilise encore des ânes pour travailler le sol. Après réflexion, il me semble que la meilleure manière de vendanger ces vignes serait tout simplement de se lancer du haut de la pente et de tenter d’attraper tout ce qu’on peut en déboulant ?
Sur les coteaux, on retrouve des vieilles vignes de carignan plus que centenaires, puis un peu plus loin, des vignes de grenache d’une quarantaine d’années. Dans le fond de la vallée, on retrouve des vignes que Paco a plantées de Cabernet-Sauvignon et de Merlot plantées il y a une dizaine d’années.
Les vins dégustés se sont avérés excellents, et là aussi de facture assez moderne. Le Clos Peto (cabernet-Sauvignon et grenache), le produit d’entrée de gamme, est tout en fruit. Le Vinyes Baixas (Cabernet-Sauvignon et Merlot provenant de la valée) est pour sa part bien équilibré, mais avec une marque plus forte d’élevage. Quant au Vinyes Altes (vieilles vignes de carignan et de grenache provenant des coteaux) il s’agit d’un vin d’exception – mais là aussi, le style est plutôt moderne.
À mes questions relatives au style « moderne » de ses vins, Paco m’a simplement répondu : je fais les vins que j’aime. Et il semble que Wine Advocate ait lui aussi bien aimé : 96 pour le Vinyes Altes et 94 pour le Vinyes Baixas.
CELLER AIXALÀ I ALCAIT (http://pardelasses.blogspot.com/) – Torroja (DOQ Priorat)
Après maintes tentatives de joindre Jordi Aixalà au téléphone, j’ai réussi à fixer un rendez-vous avec sa femme (qui, contrairement à Jordi, parle anglais) et on convient qu’elle m’attendra « en haut sur la route ». Suivant mon GPS, je me retrouve plutôt directement devant le chai, qui est au cœur du village, dans des petites rues qui n’ont vraisemblablement pas été conçues pour ma grosse auto de location. Devant moi, un monsieur avec un T-Shirt jaune, tout taché de vin … Dans un anglais approximatif, il m’accueille et me dit que sa femme va nous rejoindre dans une quinzaine de minutes.
Entretemps, je visite le chai qu’il a dû relocaliser à la dernière minute dans l’ancien restaurant de sa famille au cœur de Torroja. On fait avec ce qu’on a! Et aujourd’hui, comble de chance, c’est jour de presse! (d’où l’état de son t-shirt)
Jordi et sa femme ont débuté le vignoble en 2005. D’abord avec deux barriques, puis quatre, pour en produire une trentaine cette année. Ils sont de purs producteurs bio, mais comme leur voisins sont en agriculture traditionnelle, ils vinifient et pressent les raisins provenant des limites de leur vignoble séparément, allant jusqu’à utiliser même des presses différentes pour les produire.
La femme de Jordi arrive, on saute dans la camionnette, direction les vignes, non sans prendre quelques bouteilles et verres pour déguster le vin à sa source.
Le vignoble est planté de grenache et de carignan, cépages traditionnels du Priorat. Plantées à même les coteaux fortement escarpés, elles ne peuvent qu’être travaillées manuellement. Le paysage est superbe, et on a une vue imprenable sur Torroja, le village d’une centaine d’habitants dont Jordi est d’ailleurs le maire.
Les vins de Aixalà I Alcait sont superbes. Alors que le Pardelasses, produit à 3000 bouteilles, est fait essentiellement à partir du vin de goutte, son second vin, le DeStankis, est produit avec le vin de presse (6000 bouteilles). En pressant entre mes mains le résidu de marc, je me suis rendu compte que la pression utilisée pour son second vin était très légère – j’aurais pu me faire une bouteille de vin juste avec mes mains!
Alors que les vins sont élevés en barriques, le vin n’est vraiment pas marqué par le bois, et le fruit explose en bouche. Du beau jus bio je vous dis!
La visite s’est terminée après que la femme de Jordi doive quitter pour retourner au travail : elle avait sacrifié son lunch pour me rencontrer! (en Espagne, le repas du midi est plutôt long…). La conversation n’étant pas encore terminée, Jordi et moi avons continué à nous parler, avec nos BlackBerry et Google Translate pour traduire entre le Catalan et le Français … un peu long, mais mieux que rien!
Gratalops
Après avoir quitté Jordi, je me suis promené dans la région et suis entre autres allé visiter Gratallops. Cette région est plus fortement développée, et on y trouve, en plus des producteurs déjà mentionnés (Alvaro Palascio, Clos Mogador etc.), les méga-chais de Mas Igneus, Buil & Giné et Trossos del Priorat.
TERROIR AL LIMIT (http://www.terroir-al-limit.com/) – Torroja (DOQ Priorat)
Alex Savoie m'a recommandé de visiter ce vignoble, et je l'en remercie! Ce vignoble est le projet de trois partenaires : Eben Sadie, producteur bien connu en Afrique du Sud , Dominik A. Huber, allemand d’origine et directeur du vignoble, et de Jaume Sabaté, propriétaire de vignes dans la région. Ma rencontre avec Dominik a duré deux heures, et c’est tout d’abord au vignoble qu’il m’a amené.
Un seul mot : WOW! Du haut des coteaux très pentus on a une vue imprenable sur l’ensemble de la région. Or, Terroir Al Limit exploite plusieurs petites parcelles un peu partout dans le Priorat, en coteaux, au nord, au sud, sur les contreforts de la Serra de Monsant etc.. Les vignes travaillées sont toutes de vieilles vignes âgées entre 50 et 100 ans. Les rendements sont donc très limités … Tout ça pour produire un total de 20,000 bouteilles. Beaucoup de travail dans des coteaux abrupts, difficiles d’accès, travaillés à la main. Des vins élaborés en biodynamie.
Mais Dominik ne laisse place à aucune ambiguïté - il est là pour une unique raison : le terroir est exceptionnel. « Si tu penses que je viendrais ici travailler cette vigne-là dans des conditions de fous pour produire un vin ordinaire … »
La production est sans compromis : tout est bio, avec une utilisation limitée du soufre à la mise. L’élevage est fait en très vieux foudres (plus de 30 ans) pour éviter le marquage par le bois. L’approche est bourguignonne, avec des cuvées pour chaque parcelle caractéristique.
Les vins que j’ai dégustés étaient tout simplement superbes. Des vins complexes, droits, avec une superbe minéralité.
1. Vi de Villa de Torroja (Vin de pays) – Un assemblage 50% Carignan, 50% Grenache
2. Arbossar – Vieux Carignan sur les coteaux exposés au nord
3. Dits del Terra – Vieux Carignan sur les coteaux exposés au sud
4. Les Manyes – cru provenant de la parcelle Manyes, 100% Grenache
5. Les Tosses – cru provenant de la parcelle Tosses, 100% carignan
6. Le seul vin blanc du domaine, fait de macabeo et de Pedro-Ximenez
Terroir Al Limit a de superbes produits, et les prix sont conséquents. Une étoile montante qui a déjà acquis ses lettres de noblesses.
Au prochain(s) épisode(s) .... Si j'en trouve la force (et le temps!!)
1. Quelques vins dégustés lors d'une soirée catalane
2. Visite au Mas de l'Abundancia
3. Une Fiesta de village à Torroja
4. Visite à Mas Sinén
5. Un super musée du vin en Rioja
6. La fête du piment à Espelette
7. Visite à deux producteurs d'Irouleguy
8. Visite à Casa Pardet
A+
André
C'est corrigé.
