Un viticulteur français en « croisade » contre les faux grands crus

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Un viticulteur français en « croisade » contre les faux grands crus

Message par 3633 » dim. 24 déc. 2023 12:24

Un viticulteur français en « croisade » contre les faux grands crus

Laurent Ponsot (notre photo), vigneron de Bourgogne, a mené une enquête contre Rudy Kurniawan, le plus grand faussaire du vin jamais arrêté.
PHOTO ARNAUD FINISTRE, AGENCE FRANCE-PRESSE


(Morey-Saint-Denis) « Je ne pouvais pas le supporter » : en 2008, Laurent Ponsot, vigneron de Bourgogne, dans le centre de la France, découvre qu’un escroc engrange des millions en vendant de faux grands crus. Et va lancer une traque planétaire digne d’Hollywood.
« Eh bien voilà, tout a commencé le 23 avril 2008 à 6 h du matin… » : c’est par ces mots, prononcés devant un tribunal new-yorkais en décembre 2013, que Laurent Ponsot entame un témoignage qui va faire plonger Rudy Kurniawan, le plus grand faussaire du vin jamais arrêté.
Ce 23 avril 2008, le vigneron lit le courriel d’un ami américain. « Depuis quand produis-tu du Clos Saint-Denis ? », lui demande cet amateur de grands bourgognes, prêt à débourser des dizaines de milliers de dollars pour ce fameux grand cru alors proposé aux enchères à New York dans les millésimes 1945, 1949, 1959… Mais Laurent Ponsot lui répond : « Nous n’en produisons que depuis 1982 ».
Le vigneron de Morey-Saint-Denis (Côte d’Or), prestigieuse adresse de Bourgogne, s’envole alors pour New York et décroche un déjeuner avec le vendeur : Rudy Kurniawan, un « golden boy » chinois, malaisien ou indonésien… On ne sait pas trop.
Soi-disant issu d’une riche famille, le trentenaire est invité par le tout-New York, auréolé de son surnom de « Dr Conti », en référence à sa passion pour les Romanée-Conti, les bourgognes les plus chers au monde qu’il débouchait pourtant « comme des bouteilles de soda », se souvient M. Ponsot dans un entretien à l’AFP.
Confronté au victiculteur, Rudy Kurniawan lui donne les deux numéros de téléphone des personnes qui lui auraient cédé les bouteilles controversées, dit-il. Mais l’un est un fax et l’autre le service client d’une compagnie aérienne.
Laurent Ponsot décide alors de mener l’enquête. Car, pour cet homme du vin, né « au-dessus d’une cave » il y a 69 ans, « c’était viscéral ».
« Je ne pouvais pas le supporter : ce mec souillait l’esprit du vin. Je suis parti en croisade », se souvient le vigneron à l’allure de gentleman-farmer, cheveux gris mi-longs tombant sur un élégant veston.
Une « cave magique »
De planques en « filoches », comme il dit en reprenant le langage du détective qu’il est devenu, Laurent Ponsot remonte le fil de New York jusqu’à Singapour, Hong Kong, puis l’Indonésie.
Le soi-disant « Rudy » est en fait Zhen Wang Huang, fils de modestes épiciers chinois d’un village de Malaisie, parti étudier en Indonésie avant de vivre illégalement aux États-Unis. Petit à petit, ses grandes connaissances œnologiques l’avaient fait rentrer dans le cercle des plus grands amateurs.
Comme il le raconte dans un livre intitulé FBI, Fausses Bouteilles Investigation, Laurent Ponsot surveille l’appartement californien du faussaire, suit toutes ses allées et venues. Il retrouve alors les fournisseurs où l’escroc achète bouchons, cire, étiquettes…
« J’avais bien affaire à un as de la dissimulation », se souvient-il. Mais le vigneron n’a pas le pouvoir de perquisitionner. Il est bloqué.
Jusqu’en 2009. Laurent Ponsot est alors contacté par le FBI : lui aussi enquête sur le faussaire et découvre que le Bourguignon est déjà sur ses traces. La police fédérale américaine lui demande donc de partager ses découvertes.
Le 8 mars 2012, le FBI pénètre dans l’appartement du contrefacteur. Dans une sorte de « cave magique », s’entassent des centaines de bouteilles, des milliers d’étiquettes falsifiées et de multiples recettes, comme celle pour fabriquer un Château Mouton Rothschild 1945 : « une demi-bouteille de Pichon Longueville 1988, un quart de bordeaux oxydé et un quart de vin californien ».
« On n’avait jamais vu autant de bouteilles falsifiées. Il devait y en avoir 20 000, dont 500 de mon domaine ».
Après son procès new-yorkais fin 2013, l’Indonésien est condamné à dix ans de prison et à payer 28,5 millions de dollars aux vignerons lésés.
Laurent Ponsot est, quant à lui, fait « agent honoraire du FBI ».
Rudy Kurniawan est sorti de prison en 2020. Mais, « 10 jours après sa libération, j’ai su qu’il était au bar du Mandarin Oriental à Singapour », très célèbre hôtel de luxe, dit M. Ponsot, qui « reste à l’affût ».
L’Indonésien « posséderait encore des millions à Hong Kong », accuse-t-il. « Il se remet en selle ».



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