Romanée et Romanée Conti 2004/2005

[patrickessa]

Romanée et Romanée Conti



Le millésime 2004 est à bien des égares un millésime « de vigneron ». Il permet aux mains habiles de montrer leur savoir-faire tant à la vigne qu’au cuvier. Difficile de lui trouver une unité, difficile de ne pas se montrer tantôt transporté par son fruit, tantôt déçu par sa simplicité. En vérité pas une cave n’indique vraiment le niveau qualitatif de l’année et chaque cuvée semble montrer un grain qui mêle les choix du vigneron et la qualité de l’état sanitaire des raisins.



Difficile dans ses conditions de ne pas louer la cohérence des 2004 des domaines Comte Liger Belair et de la Romanée Conti. Combien ces deux là ont dû œuvrer à la vigne pour tirer la quintessence de ces crus bien nés en leur gardant un naturel qui ferait rougir de très nombreuses propriétés se poussant du col, en signant des ersatz si souvent fardés.

Certaines mises en œuvres culturales se rejoignent et sans aller dans le détail on peut souligner leur approche saine et proche de la plante qui mêle observation des cycles végétatifs et questionnement sur la gestuelle à adapter ainsi que les moments de sa mise en œuvre.







Voici un rapide passage en revue de 2004 ET 2005 dégustés à des moments différents. En élevage à la DRC et en bouteille et en élevage(2005) chez Liger-Belair.



Domaine Vicomte Liger-Belair :



Les vins sont servis en bouteille. Ils possèdent tous un caractère affirmé et une forme très classique qui ravira les amateurs de Bourgogne en dehors des modes. Parfaitement sains et « digestibles » ils disposent de très belles robes rubis et d’un équilibre acide idéal dans le contexte du millésime. Les vins sont totalement égrappés avant leurs vinifications.

Vosne Romanée « La Colombière » 2004 : Robe rubis moyen, dotée d’une très belle brillance. Les notes de framboise et de fraise des bois composent un nez plaisant et harmonieux introduisant une bouche svelte très pure. Le grain des tanins est fin sur un boisé de belle qualité qui soutient une trame souple et fluide. Les notes de fruits rouges se retrouvent dans une finale assez longue, sanguine et dotée d’une jolie fraîcheur vive. Un vin que l’on pourra boire dans les 5 ans mais qui se gardera aussi avec bonheur. Bien. 86-88

Vosne Romanée « Le Clos du château » 2004 : La robe est un rien moins soutenue et le nez plus personnel évoque des senteurs de kirsch et de griotte amère sur une fine touche de fraise des bois. La trame séduit par son enveloppe et la douceur tactile de tanins d’une indicible finesse. Les notes de merise et de fleur fanée se révèlent après une période d’aération et la finale d’une grande distinction procure beaucoup de race à ce vin digne d’un joli premier cru dans ce millésime. 88-90

Vosne Romanée Les Chaumes 2004 : Une franche réussite que ce Chaumes si proche de la Tâche dans les trois petites ouvrées qui le composent. Bien entendu le cru n’en a pas la puissance et la longueur mais sa trame fluide et ses notes finement « réglissées » évoquent de loin son illustre voisine. Les tanins sont d’une suprême élégance et le cru semble déjà livrer une grande partie de sa complexité dès sa prime jeunesse. Un vin raffiné qui appelle une belle viande blanche. Très bien. 88-90

Vosne Romanée Les Reignots 2004 : Toujours profond ce cru n’en finit pas de se distinguer depuis que je le déguste au domaine. Sévère et altier, musclé et noueux il domine la cave de sa force brutale et de son imposante stature. Couleur noire, tanins fermes et notes de venaisons et de cuir composent un ensemble d’une remarquable complexité, doté d’une très grande capacité de garde. N’attendez pas les Reignots pour demain, ils sont fait pour la maturité au long cours : 10 ans au bas mot pour les heureux possesseurs de ce cru d’élite. Longueur magistrale. 91-92

La Romanée Liger Belair 2004 : un vrai vin de culture qui se livre véritablement si l’on s’en approche avec respect et humilité. Robe rubis, intense, brillante. Notes de réglisse, finement torréfiées pour une palette olfactive pure, racée, qui évoque subtilement la cerise bigarreau et l’amande amère. Son côté aérien et épuré ne fait pas oublier que le cru est avant tout délicieux. Une pure caresse pour le palais qui est ébloui d’avoir autant à comprendre et qui se laisse emporter par une suavité merveilleuse. Un enchantement ! 94-95



Domaine de la Romanée Conti :

Les vins ont été dégustés en fûts sur des fermentations malo-lactiques terminées. Il se présente très pur et soyeux sur une densité remarquable et garde une grande douceur de constitution. Le domaine a gardé une proportion de vendanges entières après avoir effectué un tri très soigneux de la vendange.



Echezeaux 2004 : une dégustation au domaine commence toujours par ce cru . Si bien que l’on aurait tendance à le minorer aisément alors que son standing ne le destine pas à faire figure d’entrée de gamme » !de fait il se présente ici très altier sur une impeccable rigueur formelle. Couleur rubis, assez légère, brillante. Nez fin et retenu sur des accents finement vanillés qui ne masquent pas une jolie fraîcheur fruitée. La bouche est svelte et subtile et dispose de beaux tanins fondus. La matière est un peu en retrait mais la race de l’ensemble emporte facilement les suffrages. 89

Grands Echezeaux 2004 : Beaucoup plus riche et minéral que le précédent il se présente aussi un peu plus ample sur une chair vraiment imposante pour l’année. Notes de fève de cacao, de prune mûr et de fraise se marient en un ensemble olfactif riche et harmonieux. La bouche est droite, bâtie sur un corps svelte et tendu qui magnifie une longue finale fraîche. Très beau vin. 91

Romanée Saint Vivant 2004 : Le cru m’a enchanté par sa douce texture et ses accents de rose ancienne proprement envoûtants. Texture de taffetas pour un ensemble au naturel confondant qui semble provenir directement des entrailles de la terre. Pas la moindre trace d’un artifice de vinification pour ce cru magnifique à la longueur magistrale. Superbe ! 92-93

Richebourg 2004 : C’est toujours le plus puissant et le plus coloré, c’est toujours celui qui semble ne pas appartenir à la famille tant il est à l’étroit dans ses tanins serrés qui n’ont qu’une envie, se libérer dans votre palais. Enfant terrible il charme cependant par sa sauvagerie et sa puissance, même si en 2004 il reste un peu en retrait de ses performances passées. A l’évidence le millésime lui convient moins bien car un Richebourg discret et fluide va un peu contre sa nature. Il garde cependant une grande rectitude dans sa constitution et ses arômes de pruneaux et de cacao sont d’une grande distinction. 91-92

La Tâche 2004 : Comme tous les ans le cru brille de mille feux et semble proprement en dehors du cadre temporel afférant aux autres climats. Il possède avec éclat cette intensité terrienne qui livre ce profil si caractéristique qui décline la merise, l’amande et le réglisse sur un substrat quasiment « ferrugineux ». Les tanins sont plus saillants, la bouche plus imposante pour un ensemble qui paraît nerveux et enveloppant à la fois. J’ai admiré son profil droit et sa prise de bois parfaite, sa longueur incroyable et sa complexité quasiment inexplicable. Un vin hors norme, ébouriffant qui vous met les sens à l’envers ! 95

Romanée Conti 2004 : Derrière La Tâche on sait que l’on a « encore » la Romanée…et à chaque fois je me fais avoir, je ne sais pas comment la placer, la positionner, l’envisager et surtout la décrire. Comme d’habitude elle se montre retenue, presque austère, presque mal à l’aise de se livrer déjà. Elle semble ne pas avoir envie de vous parler et puis enfin après que vous ayez repris vos esprits, elle se donne…Je crois que plus le temps avance et plus les deux Romanée se rapprochent. Celle-ci reprend le profil de sa sœur du dessus et discrètement montre ses similitudes : Couleur rubis, fraîcheur juvénile, notes de réglisse et d’épices douces et puis aussi cette incomparable capacité à se laisser boire. Qu’on se le dise les deux plus grands rouges du Monde bourguignon glissent dans le gosier comme la quintessence de la douceur et du raffinement et vous retrouvez votre verre vide sans avoir véritablement su comment cela s’était passé ! Magique. 95



Domaine Comte Liger-Belair :



La dégustation du millésime 2005 sur fût fut un grand moment de bonheur car l’ensemble des vins possède la classe de ce millésime qui semble désormais voué à une éclatante réussite. Bien entendu il faudra confirmer tout cela avec le temps mais que de promesses dans les fûts ! Les vins venaient de terminer leurs fermentations malo-lactiques et ils n’ont pas été soutirés.

Vosne Romanée La Colombière 2005 : Couleur rubis, profonde. Nez très pur sur de fines notes de torréfactions dues à la prise de bois d’un fût un peu marqué. Matière riche, serrée, aux tanins abondants mais polis. Un vin brut qui doit encore fondre son muscle mais qui possède du caractère. Très bien. 89-91

Vosne Romanée Le Clos du château 2005 : Cette année le vin puise une vraie complexité de cru à part dans une trame impeccablement architecturée bâtie sur de solides tanins. Les notes de griotte et de pruneaux se mêlent en un ensemble qui décline aussi de fines notes fumées, plus minérales. Bouche fluide et complexe, grande allonge. Un très beau vin en devenir. 91-93

Vosne Romanée Les Chaumes 2005 : Encore une fois Chaumes se montre à la hauteur de son très beau sous sol. Un peu mésestimé par les classifications communales en raison d’une partie basse plane et trop argileuse, il se présente ici parfaitement racé dans sa partie haute. Trame souple et corps imposant sur une belle couleur rubis aux accents violacés. Deus pièces d’un impeccable classicisme. Très bien. 92

Vosne Romanée Les Reignots 2005 : Finement réducteur il exhale des notes animales un peu insistantes mais n’oublie pas de signaler sa nature nerveuse, minérale et sauvage. Non loin de Richebourg, au dessus de la Romanée et dans le prolongement de Cros Parentoux il signe son grain d’une classe qui intégrerait volontiers une partie des notes aromatiques de ses prestigieux voisins, tout en restant lui-même. Dans ce millésime il est extraordinaire de densité et de brutalité, ses tanins fermes et racés lui procurent une grâce vraiment étonnante et il toise tous les grands crus la tête haute en déclinant de formidables arômes sanguins, mais aussi de fruits noirs confits et de girofle. Impressionnant ! 94

La Romanée Liger Belair 2005 : Comme le Chambertin des frères Rossignol-Trapet, comme Ausone 2005… elle enchante. Au même niveau d’absolue excellence. Bien entendu dans un registre différent car elle s’exprime plus en délicatesse et en velouté. Mais sur le plan strictement formel elle m’a enthousiasmé par sa puissance maîtrisée, son grain suprêmement raffiné et sa densité hors du commun. Le nez est très bouqueté et « sèveux » en 2005, déjà exubérant, déjà parfaitement insinuant avec ces effluves de rose fanée, de merise et de réséda. La matière est d’un soyeux inégalable et je me demande vraiment ce qui peut être plus grand que ce vin là tant il se montre abouti et plein. Très grand cru, très grand millésime et vigneron au diapason…Immense. 98-100

Bien à vous,

Patrick Essa

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Merci encore pour ce beau compte rendu M. Essa, et aussi de venir vous joindre à nous de nouveau.
Petite question. Vu notre récent engouement pour Google Earth, avez-vous les coordonnées exactes (latitude/longitude, en degrés, minutes et secondes) de votre domaine afin de nous donner l'opportunité d'aller vous épier.

[patrickessa]

Top secret...j'ai planqué la Rolls et la Porsche !

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Un bon défi, mais voila:

46°58'50" N 4°46'05"E ± 3 km

Malheureusement, la définition de l'image est seulement bonne dans les 20 000 pi. (7000m) d'altitude pour cette section de Google Earth, donc impossible d'y voir beaucoup de détail.

L'image doit venir d'un satellite d'observation français.